L’histoire de ce bateau français est un exemple de baraterie et de pillage perpétré par son équipage. Ces faits assez fréquents à cette époque et dont les armateurs étaient toujours les victimes, restaient d’ailleurs souvent impunis. En voici le récit fait par Monsieur T. Flynn, de la Baie Mortier à Terre-Neuve.
Le capitaine Flynn, qui commandait le navire « Alexander J. Walsh », aperçut à très faible distance un navire dans la brume. Celui-ci s’approcha et bientôt le capitaine Flynn reconnut le bateau français « Alliance » qui appartenait à l’Armement Légasse et Cie de Saint-Pierre. A distance, le capitaine de l’Alliance héla celui du bateau anglais et l’informa que son bateau coulait et qu’il souhait être transporté à terre ainsi que son équipage. Le capitaine Flynn monta a bord de l’Alliance ou il constata que le bateau était partiellement envahi par l’eau. Le capitaine du bateau lui déclara que son navire avait eu, dix jours auparavant, une grave avarie à son gouvernail, qu’il prenait l’eau en quantité par l’arrière et qu’il ne pouvait plus être réparé. Le capitaine français offrit a Flynn de lui donner son poisson et tout son matériel de pêche, à condition qu’il le transporte ainsi que son équipage à terre dans un port de l’île de Terre-Neuve.
Après l’accord conclu entre les deux capitaines, l’équipage de l’Alliance ainsi que son capitaine furent débarqués dans un petit port de la Baie des Trépassés, sur la côte Sud de Terre-Neuve. Ensuite, l’équipage de « l’Alexander J. Walsh » sauva pour son propre compte près du Cap Fine, le matériel de pêche, qui consistait en plusieurs glénes de filin, lignes de fond, doris de pêche et autre petit matériel, ainsi que 70 quintaux de morue qui furent retirés de la cale du bateau français. Tout ceci était lié au sauvetage de 1’équipage français et de son transport sur la terre ferme.
Plusieurs bateaux se rassemblèrent dans la soirée autour du bateau français. Il fut constaté que la grand voile du navire avait été coupée. Le reste de la voilure était intact. Une inspection de la cale, envahie en partie par l’eau, révéla que plusieurs trous existaient dans la coque, ces trous ayant été faits à la hache. Ces voies d’eau furent colmatées tant bien que mal par des coussins de caoutchouc pour diminuer l’entrée de l’eau, mais le pauvre bateau était dans un piteux état. « L’Alexander J. Walsh » arriva dans la Baie Mortier le 16 juillet avec l’équipage et le capitaine de l’Alliance. Celui-ci partit pour Burin où il fit aux autorités un rapport officiel sur la perte de son navire.
L’Alliance fut remorqué à Rushooun par Cheesman’s. Le lendemain un steamer arriva à Rushooun avec un agent d’assurance français venant de Saint-Pierre. Il constata que dans la cale de l’Alliance trois ouvertures avaient été pratiquées volontairement et sa conclusion fut que l’équipage français avait tenté de détruire le navire. L’équipage de l’Alliance essaya de reporter sur l’équipage du bateau anglais cette grave accusation, mais cette affirmation n’eut aucun crédit tant a Terre-Neuve qu’à Saint-Pierre. L’agent d’assurance français donna a l’équipage du « Walsh » la moitié de ce qu’il avait sauvé, en dédommagement du temps perdu dans leur propre pêche. Puis il revint à Saint-Pierre avec l’équipage de l’Alliance où ils furent pendant tout la durée de l’enquête, les vedettes de cette histoire de sabotage d’un bateau français par son équipage.