« Un bienfait n’est jamais perdu » dit un vieux proverbe français. Eh bien, ce n’est pas toujours vrai. Le naufrage du « Charles Ball » le prouve de façon indiscutable. L’équipage du navire « Blanche M. Rose » fut victime de l’ingratitude manifestée à son égard par le capitaine norvégien Bie et l’équipage du navire « Charles Ball », un trois-mâts norvégien vieux de 33 ans, jaugeant 708 tonnes, immatriculé dans le port de Grimstad, Norvège.
Le capitaine Bie et son équipage de 12 hommes avaient quitté le port de Miramichi, New Brunswick, avec un chargement complet de bois qu’il transportait a Belfast en Irlande.
Sur le Banc de Saint-Pierre, le « Charles Ball » se trouva en vue d’une goélette de Terre-Neuve, le « Blanche M. Rose ». Tous les doris étaient en pêche et ils revenaient tous les jours avec de magnifiques captures. Le capitaine James Woonday, de Harbour Breton (Terre Neuve) relata que le capitaine norvégien lui avait signalé par pavillon que le « Charles Ball » ayant une forte voie d’eau était prés de couler et que l’équipage demandait à être transporté à bord du navire terre-neuvien. Le capitaine Woonday déclara en plus: « M’adressant au capitaine norvégien, je lui dis qu’étant obligé d’abandonner les lieux de pêche pendant plusieurs jours, l’équipage allait subir un préjudice. Il me répondit : « Vous pouvez être assuré que vous ne perdrez rien et la perte subie sera remboursée intégralement par mes armateurs ». Je fis rallier le bord à tous mes doris à 7 heures du soir le 4 septembre. Je pris à mon bord le capitaine Bie et son équipage et je levai mon ancre, puis partis pour Saint-Pierre.
Nous sommes arrivés à Saint-Pierre le 7 et l’équipage norvégien fut mis à terre. Je demandai au capitaine norvégien des précisions sur la façon dont je serais payé. Il me répondit que cela s’effectuerait par le gouvernement norvégien. C’est alors que je lui ai demandé de me signer, devant les autorités officielles, une attestation prouvant de façon claire que je l’avais tiré d’un mauvais pas. Il refusa net de signer cette attestation. Il poussa même l’incorrection en dédaignant de me remercier de ce que j’avais fait pour lui et ses hommes, c’est-à-dire de leur avoir sauvé la vie.