Un grand nombre de bateaux de tous types, de toutes grandeurs et de toutes conditions ont termine leur existence sur les rochers de Saint-Pierre et Miquelon.
Il en est de l’histoire des bateaux comme de celle des hommes. Certains d’entre eux furent célèbres, tels que le « Bounty », la « Méduse », le « Spray », le « Blue-Nose ». Le « Shirley C » peut être comparé à ces fameux bateaux restes célèbres dans les annales maritimes. Ce petit bateau servit au tournage d’un film d’Hollywood, dont l’histoire est relatée dans les ‘Mémoires du Shirley C’ par son capitaine armateur, le capitaine William C. Hancock, pilote du port de Saint-Jean de Terre-Neuve.
Cette jolie petite goélette fut utilisée et constitua la base d’un film de la Universal International Picture, qui avait pour titre « The World in His Arms ». C’est une histoire savoureuse vécue par un homme de Boston, qui dans les mots propres à ce monde de la publicité « s’est battu contre les terribles tempêtes des mers de l’Alaska », dont l’enjeu était ce fruit défendu que représentaient pour lui les lèvres d’une femme.
Pour satisfaire aux exigences du film, le « Shirely C » fut rebaptisé « Pilgrim » et sur ses ponts ont marché pendant tout le tournage de ce film, les grandes vedettes américaines Gregory Peck, Ann Blyth et Anthony Quinn. Après le tournage du film, dont la plupart des séquences furent tournées au larges des côtes de la Nouvelle Ecosse, le capitaine armateur du navire décida de prendre un chargement de charbon au lieu de retourner sur lest à Terre-Neuve. Ce qu’il advint par la suite est reporté dans un rapport officiel signé du capitaine Hancock qui déclare:
Je soussigné Williams Hancock, capitaine de la goélette auxiliaire « Shirley C » immatriculée à Terre-Neuve sous le numéro officiel 159 189, et d’un tonnage net de 38 tonnes, déclare avoir quitte North-Sydney vers midi le 20 octobre 1951 à destination de Wesleyville, Terre-Neuve avec un chargement de charbon. Mon navire était en bon état de navigabilité et je pensais effectuer un heureux voyage.
Au cours d’un violent coup de vent survenu dans la journée du 21, mon embarcation de sauvetage a été complètement démolie. J’ai décidé alors de me mettre à l’abri dans le port de Saint-Pierre.
J’ai mouillé dans la nuit du 22 octobre, vers deux heures du matin dans la Passe du Sud-Est. Des sondages effectués autour de mon navire ont accusé une profondeur de cinq brasses d’eau.
Vers 8 h 15 du matin, le pilote est venu à bord et m’a avisé que mon bateau se trouvait très près d’un danger et qu’il risquait fort de s ‘échouer. Il m’a conseillé vivement de changer de mouillage ou de rentrer au port. Au moment précis où le pilote me donnait tous ces renseignements, le navire qui louvoyait sur son câble, a talonné plusieurs fois avec violence sur cette « basse » que le pilote nommait « Caillou Saint-Louis ».
Immédiatement nous avons tenté de virer notre ancre et de faire démarrer le moteur. Mais malheureusement nous n’y sommes pas parvenus. Le pilote est allé aussitôt chercher l’assistance d’un remorqueur. Le talonnage sur le haut-fond a été fatal pour le « Shirley C » qui s’est rempli très vite d’eau et qui a coulé en moins d’une heure.
Je certifie ce rapport conforme à la vérité et je le signe en me réservant toutefois le droit de l’amplifier si besoin est.
Fait et signé pour valoir ce que de droit.
Saint-Pierre le 22 octobre 1951.
William C. Hancock
Capitaine