Il est rare dans nos îles de trouver un exemple de bateau qui a fait naufrage et de revoir ce bateau naviguer ultérieurement. Le cas qui nous intéresse est encore plus rare. Ce bateau ne s’est pas échoué seulement une fois, mais deux fois et après son second échouage il a pu de nouveau être renfloué et reprendre ses courses sur l’océan. Par la suite il est revenu assez souvent nous rendre visite dans notre port. Voici l’histoire du Général Jacob.
Ce bateau avait une jauge de 167 tonnes et son propriétaire était Monsieur Samuel Harris de Grand Bank, Terre-Neuve.
Le dimanche 14 janvier, écrit le Maire de Miquelon, je fus informé par le sieur Larranaga, fermier à Langlade, d’une mésaventure arrivée la veille. Pour m’informer il m’envoya un messager nommé Ernest Aubert qui était sourd et muet. Aubert écrivait très bien, et par écrit il m ‘informa qu’il y avait un navire échoué nommé Général Jacob, commandé par le capitaine Gordon Williams de Grand-Bank.
Le bateau avait 45 jours de mer et il revenait du Portugal avec un chargement de sel. Le navire s’était échoué vers midi la journée précédente. L’équipage s’était sauvé avec de grandes difficultés, étant donné que la mer ce jour-là était très mauvaise. C’était impossible de mettre une embarcation à la mer. Les hommes ont réussi à se sauver au moyen d’un va-et-vient établi entre le navire et la terre. Trois hommes étaient à la ferme Larranaga, trois autres à la ferme Olivier. Ernest Aubert est arrivé à Miquelon dans un état de fatigue extrême. Il avait fait la route en pleine tempête de neige, et à certains endroits il avait dû traverser des congères dont la hauteur lui atteignait la poitrine.
Le capitaine Williams a déclaré qu’il avait eu du beau temps pour traverser l’Atlantique jusqu’au Cap Sainte Mary (Baie de Plaisance, Terre-Neuve) mais que sa voilure avait été complètement détruite par une tempête soudaine qui l’avait fait dériver jusqu’à la dune de Langlade où il s’était échoué. Le navire après avoir jeté à la mer sa cargaison de sel a pu être renfloué et remorqué jusqu’à son port d’attache à Grand-Bank. C’était la seconde fois que ce bateau était renfloué, constituant presque un cas unique dans les annales maritimes de nos Iles. Il s’était échoué un an avant sur les rochers à Saint-Pierre à la suite de la rupture d’une de ses chaînes. Ce bateau qui avait la « barraka » était très connu des Saint-Pierrais, ainsi que celui qui le commandait, le capitaine Cordon Williams.