Le « Charles L » était une petite goélette qui appartenait à l’armement Petite and Son C0 de English Harbour Ouest, un petit port de la côte sud-ouest de Terre-Neuve. Construit aux environs de 1920, il avait navigué sur les côtes canadienne et américaine pendant toute la période de la prohibition. Au début de l’annee 1969, il fut vendu à un groupe constitué de producteurs de télévision de la ville de Toronto, Canada.
Les nouveaux propriétaires prirent possession du « Charles L » au début du mois d’avril 1969. Ils le rebaptisèrent « Amarantine ». A l’aube du 6 avril le « Charles L » quitta le port de English Harbour en direction de Sydney où le bateau devait être réparé et transformé en yacht. Il y avait à son bord les deux frères du nouveau propriétaire, une jeune femme et un jeune élève officier de la base des Coast-Guard de Sydney, nommé Mac C. Purney. Cet équipage manquait totalement d’expérience.
Quand la voie d’eau se déclara, ils ne réalisèrent pas la situation dangereuse où ils se trouvaient. Et pourtant ils avaient pris connaissance du phare de Miquelon ce qui aurait du les inciter à chercher refuge dans cette localité. Ils avaient aperçu à plusieurs reprises le phare de l’île Verte, qui leur permettait de chercher abri dans la rade ou le port de Saint-Pierre. Malgré cela ils continuèrent leur route sur une mer déjà houleuse, avec des vents contraires et une mauvaise visibilité. La voie d’eau alla en s’amplifiant à tel point que les trois hommes furent obligés à tour de rôle de pomper vingt minutes par heure. De plus une assez forte tempête du sud-ouest s’amorçait et la visibilité était réduite à sa plus simple expression.
Enfin l’équipage réalisa que vouloir continuer le voyage équivalait à de la démence et décida de chercher abri dans le port de Saint-Pierre. Dans cette nuit noire avec un bateau qui avait une importante voie d’eau et un équipage non chevronné, c’était presque une gageure. Leur point estimé étant entaché d’erreur, la route qu’ils suivirent les mena tout droit sur les rochers de la Pointe de Savoyard, un des points les plus dangereux de la côte occidentale de l’île de Saint-Pierre.
En pleine nuit le bateau monta sur les rochers qui l’éventrèrent rapidement. L’équipage sauta à terre dans les secondes qui suivirent l’échouage. Une vague énorme empoigna le jeune élève officier qui fut vraisemblablement assommé et qui ne reparut pas. La même vague fit tomber à la mer la jeune femme qui aurait subi le même sort si un de ses compagnons ne l’avait attrapée par les cheveux et ramené sur la terre ferme. La jeune femme et ses deux compagnons d’infortune escaladèrent les gros rochers et réussirent à atteindre le talus ou ils se mirent un peu à l’abri d’un gros rocher. Toute la nuit ils errèrent aux environs avec l’espoir de voir apparaître leur jeune compagnon. Hélas, il ne revint jamais. A l’aube du lendemain, les trois infortunés, transis et très exténués, rencontrèrent un chasseur Monsieur Robert Puyol qui les fit monter dans son automobile et les ramena au plus vite dans un hôtel où ils furent réconfortés et hébergés.
Pour perpétuer la mémoire du jeune élève officier canadien, la base des CoastGuard de Sydney a fait ériger sur la falaise qui surplombe le lieu du naufrage une stèle relatant ce naufrage et précisant la fin tragique d’une jeune officier canadien plein d’avenir. Cette stèle fut inaugurée le 17 avril 1970, à la mémoire de l’élève officier Mac C. Purney, en présence du Gouverneur du Territoire, Monseigneur Maurer, l’Administrateur des Affaires Maritimes, un peloton d’élèves officiers canadiens et un peloton de la Gendarmerie de Saint-Pierre, ainsi que quelques personnes du monde maritime.