Léon Laignel était un gendarme en service à Langlade. Il relata qu’un fermier du nom de Jean-Marie Olivier, agé de 43 ans, était venu le voir et lui avait déclaré le 2 août 1905, à 6 heures du matin, qu’il y avait un navire échoué sur la côte est de la dune de Langlade.
Laignel et Olivier se sont rendus ensemble sur la dune et ont vu un trois-mâts peint en blanc échoué sur le sable au lieu dit « Pointe du Guindeau ». Les deux ancres de bâbord et tribord étaient en position de mouillage et la voilure et le gréement ne paraissaient avoir subi aucun dommage. A ce moment l’état de la mer ne permettait pas une communication entre la terre et le navire.
Le lendemain matin à 11 heures le vent avait tourné à l’ouest et l’état de la mer était très bon. Le capitaine fit mettre une baleinière à la mer, le long du bord et quelques minutes après il vint à terre. Un commerçant de Saint-Pierre nommé Charles Landry, était présent, et ce fut lui qui servit d’interprète.
Le capitaine John Tizard commandait le bateau échoué, le « Flora », un très beau trois-mâts de 289 tonnes immatriculé à Saint-Jean de Terre-Neuve. Il était parti de Saint-Jean pour Baleina (Terre-Neuve) avec un chargement de fûts vides pour y prendre de l’huile de baleine. Dans la journée du 1er août il avait eu du mauvais temps près des îles Brunett. Le vent avait augmenté et l’avait drossé sur la côte de Langlade. Il manœuvra toute la soirée le long cette côte qu’il s’efforçait de ne pas approcher de trop près. Mais le vent augmentant d’intensité, la brume épaisse et la nuit noire le rejetèrent sur cette côte, où il s’échoua sur un banc de sable à 1 h 30 dans la nuit du 2 août. Le capitaine Tizard dit que son bateau était assuré pour une somme de 1,500 livres anglaises à la Royal Insurance Company de Liverpool.
Le « Flora » avait un équipage de 9 hommes et un passager. Le capitaine avait également avec lui à bord sa femme, sa fille et sa petite-fille. Le capitaine déclara qu’il enverrait son maître d’équipage à Saint-Pierre pour adresser un télégramme à l’agent d’assurance et qu’en attendant il resterait à bord de son navire.
Le gendarme indiqua que la veille à 5 h 30 il avait observé le « Flora » se dirigeant sur Miquelon. La position du navire se situait sur une ligne partant du Cap aux Morts au Cap Vert. Le gendarme précisa que le bateau faisait route avec une grande partie de sa voilure. Il précisa l’avoir vu virer de bord avant d’arriver au Cap Vert et qu’il mit ensuite le cap sur la dune en se rapprochant. Il observa le « Flora » jusqu’à 9 h 30 du soir jusqu’au moment où la nuit tomba et lui fit perdre sa trace. Messieurs Olivier et Paturel qui tous deux avaient observé longtemps les mouvements du navire, ont déclaré qu’ils avaient la conviction qu’il cherchait un endroit favorable pour s’échouer sur la dune.
M. Olivier affirme qu’il était très facile au capitaine du bateau de prendre le large. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? De plus, il trouve surprenant que le bateau se soit brisé si vite alors qu’il était simplement échoué sur un banc de sable. De plus le bateau, qui avait un très léger lest constitué par des barils vides, du fait qu’il était léger, aurait du monter beaucoup plus haut sur la dune. D’autres personnes présentes sur les lieux, déclaraient qu’une brise de cette sorte ne met pas un bateau en danger. Pour donner plus de force à leur argumentation, ils affirmaient qu’une petite goélette mouillée dans l’anse de Langlade, avait été observée des baraques de gendarmerie. A 4 h 30 du matin, cette goélette avait appareillé toutes voiles dehors en direction de Terre-Neuve. Le « Flora » s’était échoué avec des vents d’est-sud-est. Au matin, le jour de l’échouage des gens de terre remarquèrent que sur le pont du trois-mâts se trouvaient trois hommes apparemment indifférents, qui ne faisaient aucun signe dans le but de manifester leur présence, et qui par la même occasion prouvaient qu’ils ne tenaient pas à entrer en communication avec la terre.
Est-ce que le « Flora » fut échoué délibérément et volontairement ? Personne n’a jamais pu répondre à cette question. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il y avait une forte assurance. Un mystère de plus a ajouter à ceux que renferme cette dune de Langlade, véritable nécropole de navires.